Faire vivre le désir dans le couple

par Véronique Kohn
Faire vivre le désir dans le couple

Le thème est séduisant parce que l’idée est belle, si je m’inscris officiellement dans mon esprit « en couple » alors j’ai très envie de faire durer ce couple et donc de permettre au désir de ne pas se refroidir. Il est d’ailleurs fort possible qu’au moment où je passe d’une simple relation à un couple officiel, les problèmes commencent, puisque la rêverie romantique amorce un principe de continuité d’un état amoureux, d’un désir sexuel et émotionnel.

Rien qu’avec cette introduction, on pourrait d’ores et déjà imaginer qu’en supprimant le mot couple et en le remplaçant par « je suis juste en relation », on ne s’oblige plus à prétendre quoi que ce soit de définitif, on allège ainsi une obligation à faire du désir, lui si volatile, un critère durable et constant.

Mais la représentation de la plupart reste ce schéma du couple, fait pour durer et s’aimer longtemps, voir pour l’éternité comme le stipule le contrat de mariage et les contes de fées.

Dans ce cadre là, je vais me prêter au jeu et traiter la question du désir dans le couple qui fait couler tant d’encre dans les médias, travailler les sexologues, coachs, thérapeutes en tous genres, y compris moi même !..

Mais retenez déjà cette idée que si je cesse de vouloir quelque chose, c’est là où j’ai le plus de chances de l’avoir, alors que si je veux un désir stable, constant, comme l’est celui des débuts tout feu tout flamme de la relation, je risque d’être déçu par cet idéal.

Je vais alors mal accepter la réalité de la friction/tension relationnelle de deux êtres qui s’unissent, à savoir que les tensions sont normales en couple si on ne tombe pas dans le pathologique.

Vous comprendrez que personnellement, j’évite de créer cette représentation du couple, en étant à contre courant certes, mais je constate que de penser qu’à tout instant cette relation peut s’évanouir, exerce une fraîcheur sans cesse renouvelée. Changer de vocabulaire est salutaire, je suis en relation est plus léger que je suis en couple.

Selon les chiffres d’une chercheuse américaine, 85% des relations qui sont entamées vont se solder par une fin, pourquoi tant de relations ne durent pas plus longtemps ?
Mais avant d’aller plus loin, en quoi la question de désirer l’autre, la relation, d’entretenir une flamme est-elle importante ?


Et qu’appelle-t-on le désir dans le couple ? De quoi parle t-on ?

Le désir dans le couple peut être compris de plusieurs façons, on peut penser au désir sexuel, ou au désir de la relation ; si je désire cette personne encore et toujours signifie ici je désire la relation, j’ai toujours de l’attirance et un élan pour lui(elle).

Si c’est le cas, la balance entre les qualités et les défauts penche du côté des qualités, si on ne voit plus que les défauts, si on le blâme, la balance tend vers les critiques, et l’attrait diminue d’autant.

Nous sommes biologiquement construit pour chercher le plaisir et éviter le déplaisir.

Donc désirer revient à dire que globalement, la relation nous apparaît comme attrayante, et ce globalement. On voit le verre à moitié plein et non à moitié vide !


Au fond, est-ce un problème de ne pas avoir de désir ?

Après 2 ans d’extase initiale, l’activité sexuelle des couples baisse et continue de baisser par la suite , c’est ce qu’on lit dans les journaux.

30% des couples mariés n’ont plus de relations sexuelles, 70 % en ont encore mais le plus souvent plus rares qu’au début.

Nous vivons à une époque où le culte du désir est à son apogée, il faudrait que nous soyons tous des êtres désirants, toujours en forme, que notre libido se maintienne, une forme de norme de l’individu épanoui qui oblige à s’y comparer en plus ou moins.

Concernant le désir sexuel, si ne plus avoir de désir n’est pas vécu comme un problème, il est probable que ça n’en serait pas un. Ce qui était le cas à une époque antérieure où l’attention n’était pas centrée sur l’accomplissement du bonheur individuel. Pourtant nous sommes bien plus libres qu’avant, et les ratages amoureux sont plus que fréquents

Le stress augmente car aujourd’hui, il faut être désirable et compétent sur le plan sexuel. Or souvent, on ne se sent pas compétent parce qu’on ne sait pas vraiment quoi faire, on veut être un super amant(e), on se trouve gauche, pas assez beau(belle), ou on croit que nos gestes amoureux ne sont pas corrects, puis on ne prend pas toujours du plaisir alors certains simulent.

Parfois il existe une incompatibilité sur le plan libidinal, « ça ne matche pas comme on dit. »

Alors est-ce une capacité à développer pour devenir un artisan du désir sexuel ?
Est-ce une question d’apprentissage comme le prétendent les sexologues, surtout pour les femmes qui ne connaissent pas plus que ça leur corps disent-ils, leur sexe, leur manière propre d’avoir du plaisir ?
Ou un blocage émotionnel/relationnel à surmonter propre au couple ?

Et si déjà, on diminuait la pression autour du désir pour tous ?

Le problème vient surtout du fait que si la sexualité fonctionne on s’imagine que notre couple marche.
S’il y a un fort attachement émotionnel et pas de relations sexuelles, les partenaires interprètent cela comme un dysfonctionnement, voir un échec. L’imaginaire actuel tourne autour d’un droit (ou d’une obligation ?) à une sexualité épanouie, orgasmes à la clé, impuissance et frigidité sont des problèmes à résoudre, la pression est grande, il faut y arriver ! Comme les autres couples qui ont l’air de réussir, eux à garder un désir sexuel fort.
Et remarquez que tout doit être fort et tout le temps, les sentiments, le désir.. L’intensité est un marqueur contemporain, mais on ne s’en rend même pas compte.

Alors si vous vous comparez aux autres, vous pouvez agrandir encore la pression, chaque couple est cimenté autour d’un axe, pour certains il s’agit de la sexualité, pour d’autres la tendresse, d’autres encore la famille, l’intellect, les activités, bref, sortez de la norme, suivez la votre.. !

Pourquoi le désir s’étiole-t-il dit-on après les deux ans fatidiques ?


Je peux émettre ici des hypothèses :

La pensée critique tue le désir…

Les optimistes, fidèles à la pensée positive savent-ils mieux que d’autres entretenir le désir ? D’autres plus critiques, ou exigeants vont-ils facilement après le feu du début être désillusionné ?

Selon votre personnalité, nous sommes plutôt orienté gratitude ou manque.

Certains, dès le matin, décident de mettre l’accent sur ce qu’ils ont et qui va bien, d’autres pointent tout ce qui n’est pas qui devrait être…

Comme les conflits, les contentieux peuvent entraver le désir, fermer le cœur, on imagine que les champions de la pensée positive lissent et peuvent plus facilement avoir du désir quand les perfectionnistes, exigeants s’organisent pour pointer les problèmes et en voir presque partout…

On entend dire que ce sont les femmes qui ont tendance à ne plus avoir de désir sous le joug des disputes, la femme étant perçue comme ayant besoin de tendresse, d’échanges émotionnels pour ensuite aller vers la génitalité.

A son contraire, l’homme est vu comme celui qui démarre par une excitation génitale, lorsqu’une crise éclate, il peut ouvrir son cœur après avoir fait l’amour, comme on dit il règle les problèmes sur l’oreiller. Ces clichés sont peut être vrais en général, mais ne généralisons pas justement.

Voici une piste unisexe : si je pars du principe que la relation occasionne des nuages et des éclaircies, si je deviens « un acceptant des nuages » mon cœur va rester ouvert sur le fond même si sur la forme une crise, un désaccord, une fermeture, une incompréhension me heurte.

Je sais que l’autre est un autre que moi, qu’à ce titre, il ne peut me comprendre de façon permanente, ni répondre à mes désirs tout le temps. J’ai le droit de me crisper, de tempester, et en même temps de continuer à l’aimer au plus profond derrière la colère et la tristesse, je distingue le fond et la forme, voilà la piste.


S’évaluer négativement impacte le désir :

Si je passe mon temps à m’évaluer ou à l’évaluer, le désir peut devenir fragile, les jugements inhibent l’élan naturel.

Si je m’évalue mal, si je ne m’aime pas, je crée une peur de ne pas être à la hauteur de ses goûts, j’imagine surtout s’il éprouve du désir ailleurs que les autres sont « plus »..que moi ! C’est aussi le terreau de la jalousie, de la comparaison…

Et la peur freine la spontanéité des gestes, des élans.. La honte aussi de n’être pas assez beau(belle), de se montrer dans sa nudité et son imperfection humaine, pour une question de poids, d’âge, de poils, et tout un tas de représentations relatifs aux canons de l’époque. Si je ne me trouve pas assez excitant(e), désirable, il(elle) va peut être en préférer un(e) autre, vu l’immense choix prévu sur le marché amoureux, à portée de mains par les sites de rencontre. On n’a jamais eu autant de choix qu’aujourd’hui, un peu comme dans un supermarché, les objets d’amour sont perchés sur une étagère à disposition de notre main, et cette offre baséé sur la valeur nous fragilise.

Il faut qu’on ait de la valeur par rapport au marché ! Telle est le leit-motiv !

Il y a du choix, et tout est possible en plus.. Puisque si ça ne marche pas, on part et on recommence.. La pression monte, on a de moins en moins confiance en nous sur notre valeur.. On est vite has been ! N’est-ce pas.. ?

Cette société narcissique entrave le désir, alors que normalement avoir du désir est naturel comme des molécules qui s’attirent.

En même temps, se comparer à une tierce peut être un vecteur d’excitation sexuel, la recherche de la captation augmente, ce fameux « Je te veux »! C’est ce que les anciens appellent Eros, je veux t’incorporer, te posséder.
Ce qui étonne de surcroit , les couples qui découvrent une infidélité, c’est que bien souvent, cela relance le désir sexuel. Si j’ai un rival(e), je suis en compétition et en désir de te capter, il est connu que l’ un des critères du renouvellement du désir se trouve dans une tension suffisante un peu comme une roue de vélo qui se dégonfle si pas assez de tension.


Evaluer l’autre négativement

Si je passe mon temps à être frustré sexuellement, je vais avoir tendance à le signaler ou à tenir mon partenaire comme responsable, exemple : « Tu n’as pas assez de désir, tu as la migraine, tu penses à tout sauf à moi, c’est de ta faute ! »

Mettre la pression, et dévaloriser son partenaire est un bon moyen pour faire chuter le désir.

Aujourd’hui les femmes sont autant que les hommes en demande d’une libido régulière.

L’homme qui par exemple n’a pas de désir pour sa femme, de fait a du désir mais pour d’autres femmes qui elles, ne lui mettent pas la pression !

Si on sait qu’il faut passer à l’acte et qu’en plus elle est insatisfaite, il va falloir être à la hauteur, et tous ces « il faut » coupent du désir.


On ne communique pas assez sur ce que l’on apprécie dans la sexualité

Il est clair que demander, guider, communiquer autour de la sexualité sans tabou peut déjà débloquer certains.
Communiquer aussi de manière générale pour se comprendre quand il y a eu des disputes permet de ré-ouvrir son cœur et d’avoir un élan pour celui qui nous comprend de l’intérieur.

Notez qu’un excès de paroles sur les dysfonctionnements peut aussi bloquer, à force de parler de la relation on finit par ne plus jouer du tout !


Ne pas consacrer du temps à l’intimité et à la sexualité

Les couples longue durée ont tendance à désinvestir le temps consacré à la sensualité, la sexualité. Dans un quotidien, les enfants, le travail peuvent devenir prioritaires au détriment de l’intimité du couple.

C’est pour cela que décider volontairement de bloquer des plages horaires consacrées à ces temps d’intimité va ramener sur le devant de la scène du plaisir à être juste ensemble, rien qu’à deux.


S’occuper de son couple c’est aussi un moyen de le rendre plus vivant.

Dans ces temps forts, volés au temps de nos vies actives, les retrouvailles charnelles peuvent devenir de plus en plus anticipées avec joie au goût d’un essentiel du couple.

Plus on fait l’amour, plus on en a envie, le désir s’auto-entretient. Moins on fait l’amour et plus la libido disparaît. Parce que la mémoire du corps si c’est agréable est plus forte que celle de l’esprit. Alors si c’est la fête, des corps, des cœurs, et des âmes les rendez-vous ne seront plus escamotés.


L’âge n’est pas forcément un problème sur le désir sexuel

On entend souvent qu’à la ménopause les femmes ont moins de désir, ou que les hommes ont des problèmes érectiles.
Attention aux croyances qui rajoutent des freins là où certains(es) n’en ont pas.
Si je crois qu’effectivement je ne vais plus avoir de capacités à faire l’amour, ceci va augmenter le stress, et comme nous vérifions nos croyances., nous risquons de vraiment ne plus avoir envie d’aller fréquenter la sexualité, « c’est fini ! Mon temps de gloire est terminé ! Je vais finir seul, sans amour, pauvre, en mauvaise santé » . Nombre de patients que j’entends me parler ainsi..
Alors entre le réel et les histoires que l’on se raconte, il y a un pas, autant ne pas aggraver son cas, non ?


Et pour que ce soit la fête du désir avec un grand D, la sexualité tantrique peut être une voie royale. Pourquoi ?

Parce que dans la sexualité tantrique, on se départit des enjeux émotionnels, des jugements sur soi, sur l’autre, des pensées obessionnelles. Que ce soit des pensées idéalisantes (il(elle) me fascine, je suis tellement amoureux!) comme des dés-idéalisantes (je m’ennuie, il ne fait pas ce que j’aime, vivement que ça se termine)..

Il est essentiel de comprendre que le désir entre deux corps est un phénomène physiologique qui est naturel et spontané lorsque rien de psychologique ne vient s’immiscer dans le libre jeu de ces corps. Le plus souvent il s’agit de vieilles rancœurs, de tensions, d’enjeux, de projections qui empêchent de vivre librement la danse de la vie

Par exemple, arrêter de produire des pensées aussi sur : « je sais, je le(la) connais », enfermer l’autre dans quelque chose de connu, avec un passé, un futur.

Et regarder l’autre sans rien savoir, sans rien connaître, comme si c’était la toute première fois qu’on la regarde… ne surtout plus s’occuper de la question du désir, là où souvent les enjeux s’immiscent, mais laisser les corps s’alchimiser ensemble.

Faire confiance à l’énergie sexuelle, qui est à l’origine de toute vie, donc naturelle. 

Et si vous souhaitez en savoir plus, lisez un livre ou suivez un stage pour découvrir et enrichir votre sexualité avec d’autres formes que celles qui sont traditionnelles.

Pour conclure, On retrouve, à mon sens sur cette question d’entretenir la flamme du désir amoureux et sexuel, les trois axes fondamentaux.

Le premier : si je m’aime, si je suis amour, je suis un être désirant de la vie qui circule qui inclue mes qualités et mes défauts.

Le deuxième : si je m’aime je peux partir dans la relation à deux, (le couple ou le 2), et rester désirant de l’autre même si je traverse des nuages et des éclaircies, car je sais que les nuages passent si je ne m’y agrippe pas.

Le troisième : si je m’aime et si je sais aimer un autre que moi, un alter ego, alors je peux aimer le multiple, m’ouvrir et ouvrir mon 1 et mon 2 aux autres, au monde, ne plus avoir peur en restant fermé sur le 2.

Devenir un être désirant de tout ce qui est, le désir et le non désir parfois, sans souffrir plus que ça, dans une lucidité qui aide à revenir à l’amor fati, l’amour de ce qui est.

Téléphone mobile : 06 11 51 53 64

3 rue Armand Barbès 34170 Castelnau-le-Lez

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