Interview Les secrets du couple :  » En amour, il faut oser ces espaces non fusionnels où chacun se fait plaisir ! » sur le Journal Le SOIR

par Véronique Kohn

Loin de la fusion qui peut provoquer du surattachement dans une relation, la psychologue française Véronique Kohn prône le couple où l’interdépendance prend le dessus.

Aimer à perdre la raison, aimer à n’en savoir que dire, à n’avoir que toi d’horizon… » Quand Jean Ferrat chantait Aragon, il évoquait l’espoir que l’amour apporte dans la vie. Des années plus tard, au fil de ses contacts avec sa patientèle et de ses propres expériences, une psychologue française, spécialiste de la relation amoureuse, a étudié les mécanismes tragiques, parfois même délétères, de ces amoureux qui en arrivent à saboter, voire détruire, l’amour qu’ils souhaitaient pourtant vivre pleinement. Elle en a écrit un livre intitulé Quand la peur de perdre l’autre me le fait perdre !, qui vient d’être publié aux éditions Tchou. Entretien avec Véronique Kohn.

Perd-on l’autre parce qu’on le connaît mal ?

Les applications de rencontre, les réseaux sociaux… Cela ne facilite pas la tâche.

C’est un élément sociologique que l’on peut prendre en considération car ces moyens vont offrir aux évitants, aux hésitants de la relation, l’occasion de ne pas s’engager. On n’offre pas un cœur, mais du sexe. Moi, je vise davantage ceux qui s’engagent trop. Quand on rend l’autre indispensable, on le perd. On se perd.

Vous dites ainsi de ne pas confondre la relation et la fusion. Quelle est la différence ?

La fusion, c’est la confusion avec 1+1=1. La relation, c’est 1+1=2, =3… C’est toi, moi et la relation. La fusion, c’est le reste d’une nostalgie perdue, du paradis perdu. Ce n’est pas sain d’y rester car la fusion n’a jamais qu’une durée en temps limitée. C’est bien d’y plonger, mais il faut savoir que cela s’arrête. Tant qu’on n’a pas intégré cela et, surtout, qu’on veut que la fusion persiste, à ce moment-là, on est mal.

Cette notion d’amour infini est pourtant partout dans notre inconscient collectif…

Le mythe de l’amour romantique est puissant, déterminant ! Les femmes me disent qu’elles ne croient plus au prince charmant, mais ce n’est pas vrai, car elles ne veulent pas finir seules, elles veulent quelqu’un à leurs côtés. Notre plus grand désir à tous, cela reste la fusion. Certains couples arrivent à en vivre. Ce sont des couples symbiotiques, qui ont entre eux des transactions de parents-enfants avec l’un qui se fait prendre en charge par l’autre. C’est bancal. Quand on dépose le pouvoir sur l’autre, on le rend indispensable. On perd un brin d’autonomie.

Que faire alors ?

Ce qui est idéal, c’est d’être autonome. Je n’ai pas besoin de l’autre, mais je peux l’utiliser. Que ce soit pour mes besoins affectifs, de tendresse, de sexualité ou des besoins des logistiques ou financiers. C’est l’interdépendance. Je sais faire seul, mais je n’ai pas envie de me débrouiller seul car je sais que je peux utiliser l’autre s’il est d’accord avec cette forme de partenariat. Demander de l’aide, c’est une force énorme, mais sans rendre l’autre exclusif à son être. Prenons un exemple. J’ai envie d’aller voir un spectacle. Je le propose à l’autre pour voir ce qu’il en pense. La réponse pourra être négative, mais enrichie d’une autre proposition qui va permettre une négociation.

Cela revient à un compromis, non ?

Pas forcément. On pourra faire des choses séparément, pour se retrouver après. Le compromis dans le couple, ce n’est généralement pas une bonne idée. Ce n’est pas pour cela qu’il ne faut pas en faire, mais seulement quand on ne se sent pas tenu de le faire, pour faire plaisir à l’autre. Quand il n’y a pas une vraie acceptation, on finit toujours par (faire) payer la facture un peu plus tard.

Mais que vont en penser les autres ?

Beaucoup de gens écrivent sur le besoin de réinventer le couple, mais si on a peur de perdre l’autre, il faut oser ce type de couples, avec des espaces non fusionnels où chacun se fait plaisir. Et ce qu’on aura envie de faire ensemble, on aura du plaisir à le faire. C’est important de sortir de la norme sociale. Les autres, c’est les autres. Personne ne peut vivre sa vie à travers le regard des autres.

C’est compliqué d’aimer…

Très compliqué car il faut se rendre compte de tout cela. Et cela commence par savoir qui on est. C’est peut-être là le destin d’une vie. Qui suis-je, comment je fonctionne ? Pour tous les êtres humains, c’est la seule chose qui importe. Après, viennent les questions de sens. Sans oublier qu’on change tout le temps. Si on prend une photo de nous, là, demain, elle ne sera plus vraie… L’admettre permet d’avancer.

Quand la peur de perdre l’autre… me le fait perdre (ou comment les comportements toxiques poussent à la rupture), Véronique Kohn, Tchou Editions, 180 pages, 19,95 euros.

Etablir un contrat de couple

Le sentiment d’insécurité intérieure, l’addiction à l’intensité, les failles narcissiques et le mythe du couple romantique. Tels sont les quatre fondements de la peur, selon la psychologue Véronique Kohn. Et une manière de les contrer, au même titre que la logistique du quotidien ou le partage de l’intimité, ce serait la possibilité de réaliser un contrat de couple : « Le but d’une relation, c’est d’augmenter la joie. A une époque, j’étais opposée au contrat de couple car si vous venez à fauter, vous trahissez le contrat. L’autre peut alors vous dégager avec perte et fracas. Un contrat, cela peut aussi être utilisé dans un système enfermant et rigide. A l’instant T, on peut se sécuriser l’un l’autre, mais cela peut malheureusement être utilisé de manière manipulatoire. Il faut donc partager le même langage car le mot amour n’a pas le même sens pour tout le monde. D’autant que 70 % des couples classiques trompent aujourd’hui en sous-marin, avec des amants ou des maîtresses, pas forcément des histoires suivies. C’est la norme aujourd’hui. »

Alors oui aujourd’hui au contrat de couple, avec des clauses et des modalités à configurer par chaque couple : « Si on parle de l’exclusivité, on peut en discuter. J’ai moi-même expérimenté la non-exclusivité, le polyamour, l’exclusivité pure et dure, aucune forme ne m’a correspondu. J’ai donc inventé le concept d’exclusivité nuancée. Dans mon contrat de couple, tout est autorisé sauf la pénétration. C’est une clause, une règle du jeu de mon fonctionnement aujourd’hui. Cela ne veut pas dire que cela va rester figé. Un contrat permet de créer des espaces de sécurité, qui évitent de générer du stress, de l’insécurité dans le couple. L’objectif, c’est de voir les valeurs communes, pour comprendre ce qui peut relier les deux membres d’un couple plutôt que de les séparer. Et un contrat explicite a l’avantage de clarifier les besoins et les peurs de chacun et tout ce qui pourrait être une source de désaccord. »

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3 rue Armand Barbès 34170 Castelnau-le-Lez

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