«C’était horrible»… ces jeunes ont déserté les applications de rencontre sur Capital magazine.fr

par Véronique Kohn

En trois ans, Tinder, leader des applis de rencontre, a vu une baisse d’environ 20 millions d’utilisateurs, d’après Sensor Tower. Lassitude du «swipe», déception ou recherche de romantisme ? Zoom sur les raisons qui poussent les jeunes à revenir aux méthodes de drague traditionnelles.

«Au pic de mon activité, j’ai eu jusqu’à cinq applications de rencontre en même temps», avoue Vincent. Le jeune homme de 25 ans ose même un parallèle entre ces applications et celles que l’on peut utiliser pour faire des courses en ligne : «Ça demande moins d’efforts, on reste chez nous sans avoir à quitter notre zone de confort». Mais tout ça, c’est du passé. En couple exclusif depuis quelques mois, Vincent a finalement décidé de franchir le pas et de supprimer toutes les applications de son smartphone, une décision mûrement réfléchie depuis quelque temps déjà.

Pour Véronique Kohn, psychologue spécialiste des relations amoureuses depuis une dizaine d’années, le grand mal des applis de rencontre a été de «vendre du rêve aux utilisateurs» en leur faisant croire qu’ils allaient trouver l’amour «facilement, et tout de suite». Alors forcément, quand le fantasme se retrouve confronté à la réalité du swipe en boucle, ça coince : «Tinder et compagnie surfent sur la politique de consommation», estime la spécialiste, très critique sur le sujet. Lassés par les dates à répétition, voire noyés sous les matchs, bon nombre d’utilisateurs préfèrent en revenir à la «vraie vie», comme les rencontres dans les bars, les restaurants, ou dans la rue.

La peur de «tomber sur un taré»

C’est le cas de Léa, qui s’est éloignée des applications et sites de rencontre depuis plus d’un an. A l’origine de son choix, des discussions avec d’autres utilisateurs qui tournent mal. «Trois fois de suite, après 30 minutes de discussion, des hommes m’ont demandé de quelle couleur était la culotte que je portais. C’était horrible», se souvient-elle. Alors que l’étudiante de 24 ans cherche une relation «respectueuse et sérieuse», elle n’ose plus se rendre aux propositions de rendez-vous par peur de «tomber sur un taré».

Eléonore, qui utilisait fréquemment l’application Fruitz, l’a échappé belle. En 2022, alors qu’elle arrive au point de rendez-vous convenu avec son match, elle constate que l’homme n’est pas celui qu’il prétend être sur les photos. La trentenaire se cache alors derrière un abri de bus et attend : «Je voyais qu’il était nerveux. J’ai vite compris que plusieurs de ses amis étaient dans une voiture juste à côté, je ne sais pas ce qu’il me serait arrivé si j’y étais allée, angoisse-t-elle encore. Maintenant, je privilégie le hasard de la vie et je suis sûre de l’identité des personnes que je rencontre».

A la suite de la condamnation du «violeur de Tinder» Salim Berrada en mars, Justine a décidé d’arrêter les rencontres par internet. Elle qui, pourtant, déclinait chaque invitation au domicile des hommes avec qui elle discutait, ne se sentait même plus en sécurité chez elle : «J’ai reçu tellement de photos pornographiques sans rien demander que je ne peux pas les compter», se désole-t-elle.

Des applis de rencontre pour «booster l’ego»

L’un des points forts de ces plateformes est que l’on peut y aller tout le temps, partout. Il suffit de dégainer son smartphone et de glisser son pouce vers la droite, si l’on aime le profil qui apparaît, ou vers la gauche, s’il ne correspond pas à nos attentes. Et puis, c’est aussi bon pour la confiance en soi : «On se dit qu’on plaît aux gens, explique Léa. Parfois, quand je réinstallais Tinder après quelques mois d’utilisation, j’avais 300 ou 400 matchs. Je me suis rendu compte que j’allais sur les applis de rencontre pour booster mon ego».

Un phénomène bien connu de la psychologue Véronique Kohn, selon qui le marketing des applications de rencontre a «énormément joué» sur les utilisateurs. «Voir des profils en masse, c’est forcément attractif pour l’utilisateur. Cela lui fait croire que la meilleure manière de rencontrer quelqu’un est par ces applis, puisqu’il offre un choix de profils beaucoup plus large que dans la vraie vie», estime-t-elle. Fin février 2024, le groupe Match (Tinder, Meetic, Hinge…) a même été poursuivi en Justice aux Etats-Unis par plusieurs personnes, accusant le modèle utilisé d’éroder la capacité de l’utilisateur à décrocher. Serait-ce donc un comble, une relation d’amour toxique entre les utilisateurs et les applications de rencontre ?

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