Ceux qui ne donnent pas…

par Véronique Kohn
Ceux qui ne donnent pas…

Donner en amour, donner tout ce que l’on a, s’en ouvrir totalement à l’autre dans la relation amoureuse, ne pas avoir peur de livrer l’intime, dire des mots d’amour s’ils viennent à la conscience… Qui ose vraiment se livrer, se donner sans avoir aucune crainte d’être à nouveau blessé, rejeté, abandonné, jugé ?… Nous portons à notre insu les mémoires de nos anciennes blessures, et ces mémoires nous font anticiper le danger de nous ouvrir complètement et authentiquement à l’autre.

Pour certains, il n’est pas simple de s’attacher en plein. Prendre le risque d’aimer c’est prendre le risque de souffrir. Et surtout à l’idée d’une éventuelle perte de l’objet d’amour ou de futures frictions, l’évitant va projeter que, ce qui s’est déjà produit dans le passé peut se reproduire dans le futur… Alors à quoi bon…

Les personnes tièdes en amour trouvent souvent difficile de gérer leurs émotions pendant la relation ; les enjeux y sont forts, les réactivations des anciennes blessures présentes comme marquées au fer rouge.

Une fois séparé, au final quitté par le partenaire refroidi lui aussi, le soulagement prend le pas. Le retour à soi permet l’apaisement, et finalement le célibat devient préféré aux enjeux de la relation.

La personne qui donne peu, accède à plus de paix, sans la relation amoureuse. Elle va donc choisir d’éviter de s’engager dans un lien affectif, pour ne pas revisiter les éventuelles souffrances cristallisées par le passé. Ou d’y aller mollement, tièdement. Et c’est là où le scénario s’articule et se maintient de lui même.

Comme un nageur qui se trouve au bord du plongeoir de la piscine et qui a peur de sauter dans le vide. Plus les peurs de s’ouvrir sont encore en trace, à vif ou oubliées mais latentes, plus il sera difficile de dire oui, de s’immerger dans une nouvelle relation amoureuse, par peur de s’y noyer, d’être débordé par le chagrin une fois de plus.

Alors que faire pour changer le scénario ?

De quelle manière peut-on se rassurer sur le fait qu’à part le fait d’une éventuelle rupture (gérable par ailleurs surtout quand la solitude est assumée), il n’y a aucun risque. Il s’agit seulement d’un trajet neuronal, et d’un marquage dans la mémoire somatique selon lequel, s’abandonner à l’amour équivaut à se mettre en danger.

Alors ceux qui ne donnent pas sont-ils des « handicapés » de l’amour ?

Ils apparaissent comme peu aptes à s’engager de manière durable, parfois coupés de leurs émotions. Certains vont adopter la stratégie de séparer l’amour de la sexualité, s’investir dans le sexe et se fermer dans leur cœur (type Don Juan) ou à l’inverse s’ouvrir dans le cœur et se couper de la sexualité (type amoureux romantique, tendre, mais asexuel).

D’autres se sentiront plus à l’aise avec le monde animal, préférant la compagnie des animaux, on voit souvent des femmes en compagnie de chevaux, de chats, de chiens par exemple, animaux perçus comme moins dangereux que les être humains au niveau affectif… et la garantie de recevoir un amour inconditionnel et sans danger à la clé.

D’autres encore choisiront un déplacement de la libido, amour et sexualité se sublimant en une cause noble, comme un idéal humanitaire par exemple, avec à la clé un surinvestissement pour la cause épousée.

Et que penser de certaines mères, découragées par leurs premières relations sentimentales qui déploient tout leur amour envers leur enfant, et ce de manière excessive, excluant de leur vie leur compagnon, donnant à leur fils/fille une représentation dévaluée du masculin. Et combien par la suite cette filiation aura bien du mal à nouer des relations amoureuses « saines », embarrassée d’une telle image de l’homme…

Parfois déconnectés de leurs émotions, refroidis par des relations souffrantes, ceux qui donnent peu investiront peut être encore davantage la sphère intellectuelle, davantage passionnés par la science, la philosophie ou la culture que par la chair et les sentiments.

Mais faut-il s’arranger de toutes ces stratégies d’évitement de l’amour, prisonnier des mémoires du passé et s’y résigner? Que c’est très bien ainsi, qu’il ne faut surtout rien en changer au risque de retomber dans les mailles de la souffrance…

Si vous interviewez des personnes tièdes en amour, elles vous diront que mieux vaut se méfier au départ d’une relation, ne pas trop s’impliquer car on ne sait jamais… Alors qu’à t-il pu se passer dans l’enfance pour qu’elles soient si effrayées ? Notamment à l’idée de ne pas faire face à une éventuelle souffrance, se privant ainsi de tout la dimension positive de l’attachement à la relation amoureuse.

On va voir que souvent dans l’enfance, elle aura eu à faire avec un parent qui ne répondait pas à ses besoins, donc l’enfant petit va s’habituer à faire avec ce « peu », soit il ne pourra pas donner plus que ce qu’il n’a jamais reçu, ou au contraire va s’organiser pour donner tout aux autres et s’oublier.

Nous sommes « Amour ».

A t-on alors la possibilité afin de retrouver l’élan d’ouverture à l’amour de revenir à la source de ce que nous sommes ? Nous sommes « Amour » dit-on dans toutes les traditions spirituelles et mystiques, dans tous les ouvrages de développement personnel.

Dépouillés de nos cuirasses et blindages émotionnels, aurons-nous la force d’aller au bout de l’engagement amoureux ? Car celles ci nous amènent à une certaine grisaille des sentiments, un cocon ouaté certes, confortable mais où la vie ne circule pas.

Tout comme face à un chat sauvage, si vous êtes en contact avec des personnes de ce type, il vous faudra les apprivoiser, les approcher sans leur en demander trop d’emblée, elles ne peuvent que se méfier de trop d’amour, envahies ou n’y croyant pas. L’attachement n’est pas simple avec elles, elles vont probablement osciller entre très chaud et très froid, comme avec une grande envie de s’ouvrir puis instinctivement de tout refermer pour ne pas s’abimer.

Mais surtout si vous arrivez à être empathique avec la partie gelée du tout petit qui a manqué lui aussi de nourriture affective, votre patience pourra les accompagner jusqu’à ce qu’ils parviennent à rouvrir leur cœur, pour que l’expansion fasse suite à la contraction et à l’immense solitude affective dans laquelle ils baignaient sans même en avoir conscience.

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