Si je regarde bien, ce qui se trouve derrière la liberté c’est le désir de ne pas s’agripper, de ne pas faire dépendre mon bonheur d’un autre sur qui je n’ai aucun contrôle.
Sauf que mon désir de m’attacher, de faire couple avec un grand C m’empêche de me sentir indépendante. Au contraire je me vois dire ou faire exactement l’inverse de ce que j’ai décidé deux minutes avant. Je passe très vite d’une sorte de dépendance à « puisque toi tu ne veux pas ce que je veux, je ne veux plus être avec toi ! Na » dit l’Enfant Rebelle en moi.
Le nombre de patients que je retrouve à osciller comme moi entre le désir de la relation durable et de l’indépendance est typique de notre époque. Le mythe de la complétude par le biais du couple fait succès au cinéma et le mythe de l’indépendance fait succès dans tous les livres de développement personnel.
Le rêve de faire couple avec enfin la bonne personne et de construire avec elle de façon durable se repose sur le postulat que j’entends souvent : nous sommes faits pour aimer et être aimé il n’y a que l’amour qui vaille la peine d’être vécu dans ce monde de brutes.
Mais en plaçant ce postulat au premier plan, je ne crée pas les conditions pour l’amour du silence, l’amour de la solitude, l’amour du rien, qui ne dépend pas des circonstances, l’exact inverse de ce que je cherche dans la relation qui me procure le doux et le plein quand c’est bon.
Mes patients qui s’accrochent à l’idée de trouver la bonne personne sont incapables de savourer la douceur de ce qui est présent maintenant surtout s’ils ne lâchent pas Radio Mental qui dit « c’est 100 fois mieux si elle était là ! »
Je me suis tellement confrontée à ce schéma mental piégeux, empreint des contes du prince charmant et probablement des mythes religieux, que je mets parfois moins d’énergie sur la quête de la liberté intérieure sauf quand j’arrive au quatrième dessous, suite à des moments de tensions relationnelles insupportables.
Là je reprends mes esprits, pour chercher les voies de la sagesse, de la modération, de la sérénité.
J’ai commencé à entendre parler du doute sur ce postulat : ai-je vraiment besoin d’aimer et d’être aimé, un grand moment dans ma vie, d’interroger ça, de coller plus près au réel de chaque instant, de me rendre compte qu’au final en tant qu’adulte j’ai beaucoup plus de moyens pour savourer les petits moments du quotidien, sans l’homme de mes rêves, que je qualifie de si spécialement attractif à mes yeux.
J’ai apprivoisé la solitude, en acceptant la partie de moi qui sera toujours inconsolable, qui traînera cette solitude existentielle dans un bain de foule, entre amis, avec le meilleur amant/amour aussi.
Je reste vigilante quand je me vois repartir dans mes états mentaux liés aux circonstances, un veilleur bienveillant s’allume. Ce qui ne m’empêche pas de savourer pleinement quand par hasard un homme se glisse au travers de ma route pour faire un chemin en couple, mais ce n’est pas à n’importe quel prix.